Pierre Honoré Robbé de Beauveset

Pierre Honoré Robbé de Beauveset


Naissance: Vendôme (Loir-et-Cher) vers 1714
Décès: 1794


Pierre Honoré Robbé de Beauveset, est un poète libertin français.


Il se fit connaître par un poème scandaleux. Le Débauché converti (1736), entreprit un poème sur la syphilis dont Piron disait que l'auteur était plein de son sujet. Ses œuvres scandaleuses ne l'empêchèrent pas de collectionner gratifications et pensions. Sous la Révolution, il se mit au goût du jour, versifia La France libre (1791) et Les Victimes du despotisme épiscopal (1792).

Robbé est l'auteur de La Vérole, poème qui fît beaucoup parler, et dont les vers sont jugés ainsi dans la bouche du personnage de Rameau dans Le neveu de Rameau de Diderot : "Vous étiez nourri à bouche que veux-tu, et vous retournerez au regrat; bien logé, et vous serez trop heureux si l'on vous rend votre grenier ; bien couché, et la paille vous attend entre le cocher de Monsieur de Soubise et l'ami Robbé.  [...] vous entendrez d'une oreille le hennissement et le piétinement des chevaux, de l'autre, le bruit mille fois plus insupportable des vers secs, durs et barbares. Malheureux, malavisé, possédé d'un million de diables !"

"Nous avons quelquefois l'ami Robbé. Il nous régale de ses contes cyniques, des miracles des convultionnaires dont il a été le témoin occulaire; et de quelques chants de son poème sur un sujet qu'il connaît à fond. Je hais ses vers; mais j'aime à l'entendre réciter. Il a l'air d'un énergumène. Tous s'écrient autour de lui  : "Voilà ce qu'on appelle un poète." Entre nous, cette poésie-là n'est qu'un charivari de toutes sortes de bruits confus; le ramage barbare des habitants de la tour de Babel."

Considéré comme "le plus grand des poètes secondaires" du siècle des Lumières, Robbé fut le protégé de Mme du Barry. Il montra un vif penchant pour la satire et la poésie érotique, et fut qualifié de « chantre du mal immonde ». Il toucha même une pension de Louis XV pour ne pas publier ses vers. Vers la fin de sa vie, il se convertit et écrivit des poésies religieuses.


Œuvres
  • Épître du sieur Rabot, maître d'école de Fontenoy, sur les victoires du Roy (1745)
  • Odes nouvelles (1749)
  • Épître à M*** (1758)
  • Mon odyssée, ou le Journal de mon retour de Saintonge, poème à Chloé (1760)
  • Satyre au comte de *** (1776) Texte en ligne
  • Les Pucelles d'Orléans, poème en six chants (1791)
  • La France libre, poème sur la révolution actuelle de ce royaume (1791)
  • Les Victimes du despotisme épiscopal, poème en six chants (1792)
  • Œuvres badines de Robbé de Beauvese (1801)
  • Lettres inédites adressées par le poête Robbé de Beauveset au dessinateur Aignan Desfriches pendant le procès de Rob. Fr. Damiens (1757), publiées avec notice, notes et documents nouveaux par Georges d'Heylli (1875)
  • Recueil de poésies diverses de M. Robbé de Beauveset, publié avec introduction et notes, d'après le manuscrit appartenant à la bibliothèque municipale de Blois, par Pierre Dufay et orné d'un portrait en héliogravure d'après le pastel de Perronneau appartenant au musée d'Orléans (1921)

LE DEBAUCHE CONVERTI

Le débauché converti 

(Poème connu aussi sous le nom de La vérole, ou La syphilis)




Par Mr. Robbé de Beauveset




Puissant médiateur entre nous et la femme,
Qui du plaisir secret vous ourdissez la trame,
Des feux de Prométhée ardent dispensateur,
Et de la gent humaine éternel Créateur ;
Portassiez-vous encore un plus superbe titre,
Du bonheur de mes jours vous n'êtes plus l'arbitre :
Ce plaisir violent, dont je fus enchanté,
D'un tourment de six mois est trop cher acheté.
Qu'un autre que moi coure après ce vain fantôme,
J'en connais le néant, grâce à Monsieur saint Côme ;
Et ses sacrés rechaux sont l'utile creuset
Où l'or faux du plaisir m'a paru tel qu'il est.
J'ai ruminé ces maux que sur sont lit endure
Un pauvre putacier tout frotté de mercure ;
Des conduits saliviers, quand les pores ouverts
Du virus repoussé filtrent les globes vert ;
Quand la langue nageant dans les flots de salive,
Semble un canal impur qui coule une lessive.
Ah ! Que sur son grabat se voyant enchaîné,
Un Ribaud voudrait bien n'avoir pas dégainé ;
Qu'il déteste l'instant où sa pompe aspirante
Tira le suc mortel de sa cruelle Amante.
L’œil cave, le front ceint du fatal chapelet,
Le teint pâle et plombé, le visage défait,
Les membres décharnés, une joue allongée,
Sa planète atteignant son plus bas périgée ;
Alors avec David il prononce ces mots :
La vérole, mon Dieu, m'a criblé jusqu'aux os.
Car par malum, David entend l'humeur impure
Qu'il prit d'Abigaïl, comme je conjecture,
D'autant que cette femme, épouse de Nabal,
De son mari pouvait avoir gagné ce mal.
Ce Nabal, en effet, est peint au saint Volume
Tel qu'un compagnon propre au poil comme à la plume ;
Et qui, quand il trouvait fille de bonne humeur,
De ses bubons enflés méprisant la tumeur,
Lui faisait sur le dos faire la caracole,
Eût-il été certain de gagner la vérole.
Aussi je suis surpris que David ce grand clerc,
Au fait d'Abigaïl, ait pû voir si peu clair :
Certes besoin n'était d'être si grand prophète
Ni d'avoir sur son nez la divine lunette,
Pour voir que Nabal tout le sang corrompu,
Ayant poivré le flanc qui s'en était repu,
C'était nécessité que son hardi Priape
Eût la dent agacée en mordant à la grappe.
Mais, quoi ! Vit-on jamais raisonner un paillard ?
Il prit, les yeux fermés, ce petit mal gaillard,
Dont quelque-temps après sa flamberge en furie.
Enticha le vagin de la femme d'Urie.
De mes ébats aussi j'ai tiré l'usufruit ;
Mais grâce au vif argent mon virus est détruit ;
Mon sang purifié coule libre en mes veines,
Et deux globes malins ne gonflent plus mes aines ;
Du trône du plaisir les parois resserrés,
Ne laissent plus couler mille sucs égarés ;
Et ce moine velu que le prépuce en froque,
De trois rubis rongeurs voit dérougir sa toque.
Triste et funeste coup ! Pouvais-je le prévoir,
Qu'une fille si jeune eût pu me décevoir ?
Deux lustres et demi, qu'un an à peine augmente,
Voyent bondir les monts de sa gorge naissante ;
Un cuir blanc et poli, mais élastique et dur,
Tapissait le contour de son jeune fémur ;
A peine noir duvet de sa mousse légère,
Couvrait l'antre sacré que tout mortel révère ;
Les couleurs de l'aurore éclataient sur son teint,
Elle aurait fait hennir le vieux Moufti Latin ;
Un front, dont la douceur à la fierté s'allie,
La firent à mes yeux plus vierge qu'Eulalie,
Aussi combien d'assauts fallut-il soutenir,
Avant que d'en pouvoir à mon honneur venir ?
A mon honneur ! Je faux, disons mieux, à ma honte :
Après deux mois d'égards, de soupirs, je la monte.
Dieux ! Quelle volupté, quand sur elle étendu
Je pressurais le jus de ce fruit défendu !
Sa gaîne assez profonde, en revanche peu large,
Entre elle et mon acier ne laissait point de marge ;
Le piston à la main , trois fois mon Jean-Chouard
Dans ses canaux ouverts seringua son nectar,
Et trois fois la pucelle avec reconnaissance
Voitura dans mon sang sa vérolique essence.
Mais, quoi ! Ma passion s'enflamme à ce récit,
De mes tendons moteur le tissu s'étrécit ;
Mes esprits dans mes nerfs précipitent leur course,
Et de la volupté courent ouvrir la source.
Quoi donc ! Irais-je en proie à de vils intestins
De mes os ébranlés empirer les destins ?
Irais-je sur ces mers fameuses en naufrages,
Nautonnier imprudent affronter les orages ?
Moi qui, comme Jonas qu'un serpent engloutit,
Ai servi de pâture à l'avide Petit.
Non, de la chasteté j'atteins enfin la cime,
Là je rirai de voir cette pâle victime,
Que la fourbe Vénus place sur ses autels,
Traîner les os rongés de ses poisons mortels.
Que le ciel, si jamais je vogue sur ce gouffre,
Fasse pleuvoir sur moi le bitume et le souffre ;
Que l'infamant rasoir qui tondit Abaillard,
Me fasse de l'Eunuque arborer l'étendart,
Si jamais enivré, fut-ce d'une pucelle,
Mon frocard étourdi faute dans sa nacelle.
Tout visage de femme à bon droit m'est suspect ;
Quiconque a salivé, doit fuir son aspect.
Oui ! M'offrit-on les choix des onze mille vierges,
Jamais leurs feux sacrés n'allumeraient mes cierges :
Le jaloux Ottoman m'ouvrit-il son Serrail,
Quand j'y verrais à nu l'albâtre et le corail
Briller sur ces beaux corps qu'embellit la nature,
Mon Priape ferait un Priape en peinture.
Je dis plus ; quand le ciel exprès de mon côté
Tirerait la plus rare et plus saine beauté,
Dieu fait fi la chaleur de cette nouvelle Eve
Dans mon muscle allongé ferait monter ma sève.
Beau sexe, s'en est fait, vos ébats séducteurs
Ne me porteront plus vos esprit destructeurs ;
je fuirai désormais votre espèce gentille,
Ainsi qu'au bord du Nil on fuit le crocodile ;
Il est temps de penser à faire mon salut ;
L'âme se porte mal quand le corps est en rut.
Lorsque l'affreuse mort au sec et froid squelette,
M'aura devant le juge assis sur la scélette.
Cent mille coups de cul ne me sauveront pas
Du foudroyant arrêt de l'éternel trépas :
C'est vous qui le premier avez fait tomber l'homme,
Par l'attrait séducteur de la fatale pomme ;
Mais vos culs dans l'abîme en ont plus descendus
C'est avec vos filets que Satan nous attrape,
C'est vous qui nous poussez sur l'infernale trappe ;
Vous séduirez, morbleu, je crois, tous les Elûs.
Adieu, beau sexe, adieu vous ne me tenez plus.




Robbé de Beauveset











L’ORIGINE DE LA FEMME

L’ORIGINE DE LA FEMME.

CONTE XXVI.

Qui comme moi n’admirerait l’audace
De nos rabins et du fameux Joseph ?
Vous les voyez donner sur plus d’un chef,
Aux livres saints, des démentis en face.
Ces écrivains , avec témérité
Vont altérant le narré de Moyse ,
Et par maint fait qu’ils changent à leur guise,
ouvrent beau champ à l’incrédulité.
Bien est—il vrai que la sainte écriture
Prend dans leurs mains un air de vérité,
Qu’on ne voit pas toujours à la lecturé
Du livre obscur aux prophètes dicté;
Mais il n’importe, et sous aucun prétexte,
On ne doit point en altérer le texte.
N’ajoutant donc de foi qu’au seul auteur
Que va guidant un souflle inspirateur ,
Crions, crions anathême à quiconque
corrompt la bible, ou la change, ou la tronque;
Et donnât-il à son récitatif  
L’air le plus vrai, le tour le plus naïf,
Si qu'à côté la bible parût fable ,
Ne la croyons pour cela véritable.
Dieu, dit-il pas en maint et maint endroit :
Qui ne voit point, voit plus clair que qui voit.
Que la foi donc soit notre unique guide ;
Aussi s’est-on avec droit méfié
De ce qu’écrit le rabin Maimonide ,
Sur Dieu créant à l’homme une moitié.
Si l’on l’en croit, le chef de notre race
Fut long-temps seul dans le jardin d’Eden :
Tous les plaisirs le suivaient à la trace ,
Excepté ceux que l’on goûte en hymen.
Il n’en tâta de long-temps , le bon-homme.
Dieu ne l’avait pourtant façonné comme
Il paraissait , que de si beaux outils
Dussent rester pour la simple parade.
Puis devant lui mille animaux gentils,
S’allaient donnant l’amoureuse estocade,
Et témoignaient , par leurs roulements d’yeux ,
Que le plaisir ne devait être fade.
Le voilà donc à tourmenter les cieux
Pour en goûter. « Eh! Seigneur, sans compagne,
Que voulez-vous que je fasse en ces lieux,
Que m’ennuyer, dit-il, d’un ton pieux »
Dieu par hasard , du haut d’une montagne ,  
Oyant sa plainte , enfin se résolut
A le coupler et lui faire une femme,
Mais à regret; il savait que la dame
Bientôt mettrait obstacle à son salut ,
Et lui ferait gober mainte couleuvre.
Voilà pourquoi le bon Dieu ne voulut ,
Pour cette fois , mettre la main à l’œuvre.
Il en chargea l’archange Gabriel ,
Pour qu’en tout cas le reproche et la honte ,
De la besogne en fût tout pour son compte,
Et s’imputât au factotum du ciel.
Le Créateur avait d’abord à l’homme
Mis double queue ; une qui pendait, comme
Aux animaux, à la chute du rein;
Et quant à l’autre , il l’avait fait éclore
Au même endroit où l’on la voit encore.
Mais par la suite à l’être souverain ,
Celle du dos, y rêvant davantage ,
Parut gâter son plus parfait ouvrage.
Il fut conclu qu’on la réformerait.
A mon avis , c’est pourtant grand dommage,
Arrière queue en hymen servirait:
Dans ses ébats femme s’accrocherait
Par cet endroit : devant une maîtresse,
Chacun voudrait faire voir son adresse ,
Et frétiller en signe de tendresse  
Sa belle queue , ou s’en escrimerait
A tout moment; et, si je ne me trompe,
La queue aussi servirait pour la pompe.
Tel ornement , par faveur singulière,
De l’Ottoman marque la place altière.
Mais ô douleurs! ô soupirs superflus !
Dieu la supprime , et nous n’en avons plus.
Pour obéir aux ordres du Très-Haut ,
Le Séraphin , dans un mystique somme,
Profondément plongea le premier homme;
Puis le voyant à ronfler comme il faut,
Tout doucement met la main sur sa croupe,
Lui prend la queue, et rasibus lui coupe;
Et puis avec, dans un recoin d’Eden ,
Court fabriquer le vase de l’Hymen.
Chemin faisant, notre ouvrier rencontre
Arbres chargés de beaux fruits à la montre,
Fleuris sur-tout; desir vient d’en tâter ;
L’ange sur l’arbre aussi-tôt de monter ,
Pour en cueillir laissant la queue à terre -,
Mais un barbet , qui d’assez loin la flaire ,
En tapinois vous la hape et s’enfuit.
Il avait fait déjà plus d’une lieue ,
Quand Gabriel ne trouvant plus sa queue,
Double de l’aile , et si bien le poursuit ,  
Qu’il l’attrapa; mais l’animal vorace
Avait déjà grugé plus de moitié
De l’instrument à former notre race.
L’ange en courroux arrache sans pitié
Celle du chien, en disant : « Bon , qu’importe,
Que ce soit queue,ou bien d’homme ,ou de chien ,
Puisqu’après tout, l’œuvre n’en vaudra rien»?
L’ange , au surplus, fit sa tâche , de sorte
Qu’Adam du troc ne se douta trop bien.
Femmes , voilà pourtant votre origine,
Aux vieux rabins , si l’on ajoute foi.
Très-volontiers , je le croirai pour moi ;
Car donc depuis , d’amour rage canine,
N’a point quitté l’espèce féminine.

Robbé de Beauveset in Oeuvres Badines

LE CORNET

LE CORNET.


CONTE XXV.

Si jamais quelqu’un balança
Cette sagacité profonde,
Qui fit de Salomon la merveille du monde,
C’est à mon gré Sancho-Pança.
Le tour du nouveau-né, qu’en deux parts on dépèce,
N’est pas comparable à la pièce
Que fait jouer le gouverneur.
A la femme plaignant le rapt de son honneur.
Il n’est parlement du Royaume,
Qui n’adoptât l’arrêt que l’écuyer rendit.
J’en vais pourtant conter un qu’on m’a dit,
De notre juge de Vendôme,
Qui vaut cela sans contredit.
Certaine femme accusait un jeune homme
D’avoir atteint sur elle à ce qu’on nomme
Le siége de l’honneur,et de l’avoir forcé.
Le gars niait le cas, comme on peut croire.
Qu’on m’apporte mon écritoire,
Dit le bailli, du fait embarrassé.
Lors branlant le cornet à modique ouverture,
Et s’adressant à la plaignante: « ici
Enfile-moi,dit-il,la plume que voici".
Mais on ne put la créature,
De l’orifice approcher l’instrument,
Tant le cornet allait rapidement!
En te démenant de la sorte,
Reprend alors le pénétrant baillif,
Jamais sur le seuil de la porte,
Le galant n’eût planté son if.
Avait-il tort de croire qu’à quelqu’une
On puisse faire ainsi ce que l’on veut ?
N’est-ce pas soutenir qu’on peut
Atteindre avec le nez au disque de la lune ?

Robbé de Bauveset in Oeuvres badines


LES DEUX LOGIS DE L’ÂME

LES DEUX LOGIS DE L’AME.


CONTE XXXIV.

Un Franciscain tançant une donzelle
Qui s’accusait de maint œuvre de chair;
Comment, dit-il, en déployant son zèle,
Ce vil plaisir vous est—il aussi cher?
Voyez, ma sœur: Dieu, pour montrer au monde
Quel cas faire on en doit,le logea tout exprès
En vilain lieu, près d’un cloaque immonde
Qu'à bon escient il creusa tout auprès.
Sans doute il l’eût d’un logis plus honnête
Gratifié, s’il eût eu le dessein
Qu’en usassions,et l’eût mis dans la tête,
Ainsi que l’âme. Eh, père capucin,
Reprend d’abord la fille qui n’est bête,
Notre âme a donc deux gîtes opposés ?
Car quand le cul sent les plaisirs causés
Par le coït, je la sens qui du faîte
Y descend vite,afin d’être à la fête.

Robbé de Beauveset in Oeuvres badines

Pierre Honoré Robbé de Beauveset

Pierre Honoré Robbé de Beauveset Naissance:   Vendôme (Loir-et-Cher) vers 1714 Décès:   1794 Pierre Honoré Robbé de Beauveset, est un p...